Vers New York

 

 

Je ne suis plus rien. Mes rêves se sont envolés. Mon combat pour changer la vie est un échec, si l'on pense aux espoirs suscités. Je n'ai plus aucun pouvoir. Je n'ai plus d'espace. Dans ma vie quotidienne, je suis devenu un insecte que l'on écrase du pied. Nous verrons dans quelques années où en est la poésie... J'attends son crépuscule avec curiosité. Qu'est-ce qui pourrait me redonner confiance ? Quand on sait le décalage entre le poète et le reste du monde ! L'utopie qui est la base de mon existence trouve ses limites dans le silence engendré par une poésie indifférente au monde lui-même. La route que j'ai voulu tracer est désormais en gigantesques travaux. Chacun fera son examen de conscience. J'ai fait le mien. Je conçois tout un monde dans ma tête, des rêves, des certitudes, des remparts à la barbarie. Je ne récolte que le silence et l'indifférence. Comment pouvoir changer la vie dans ces circonstances ? Quelle crédibilité m'accorde-t-on ?  Je fais figure de guignol adolescent, face aux malversations des hommes de pouvoir, tenants d'une culture officielle et des clefs de l'édition. Je serai toujours attentif aux hommes de peu. Au poète assassiné. Au décalé perpétuel. J'ai peut-être plus d'amis que je ne crois. Mais je ne vois pas ce qui pourrait tirer la poésie de son néant. Quand le monde se sera fourvoyé dans toutes ses abominations, il ne restera rien pour le poète. Il sera rendu au néant. Bonne ou mauvaise chose ? Qui sait ? Je continue d’aimer la poésie, car c'est le discours de l'homme libre, imprégné de son temps. Puisse-t-elle mourir pour ressusciter ! Puissent les hommes retrouver un autre chemin où le poète sera essentiel et présent enfin en ce monde ! Pour moi, le chaos est proche. Le monde entre dans une période d'incertitudes dangereuses. Ces défis humains seront notre avenir. Voilà une chose certaine. Et si la poésie ne survit pas, ce ne sera pas un drame... Peut-être seulement dans la tête des passionnés qui verront leur travail partir en lambeaux ! Le combat entre la chute du monde et la résurgence de la poésie sera alors amorcé. 

 

Comment survivre à l'absurdité de ce monde ? Trouver un sens à toute cette foire humaine qu'est la vie ? Je suis dans un désespoir absolu, parcouru par des moments de bonheurs éphémères. Je me nourris de ce désespoir qui est l'unique sens à donner au monde. Je crois aux forces de l'esprit, pourtant ! Car c'est ce qui peut nous sauver de la guerre perpétuelle. Mais, non, les beaux discours ne me suffisent pas ! Mon esprit ne me suffit pas. C'est la raison pour laquelle je vais ailleurs, pour trouver une certaine paix intérieure. Mais le voyage s'est toujours fait dans ma tête... C'est pour cela que je me sens appelé vers là-bas. Je sais qu'il n'y a rien, aucune voix, aucun être. Je ne laisserai pas mon désespoir sur le tarmac ! Je partirai les yeux bien ouverts. 

 

 

© Daniel Brochard