Assemblée générale

 

L’effacement ne signifie en rien l’indifférence au monde. Monet peignait ses nymphéas pendant la guerre. Il n’en restait pas moins l’ami de Clemenceau. D’autres ont mené un combat pour la paix et la liberté. Picasso à un officier allemand qui lui demandait : « C’est vous qui avez fait cela ? » répondit : « Non, c’est vous ! »… Guernica était née. Les valeurs humaines ne sont pas toujours exprimées d’une manière frontale. L’artiste a droit à sa liberté. Son art lui suffit pour être présent au monde. La guerre est toujours présente aujourd’hui, pas si loin de chez nous. Il faudrait avoir une monstruosité en soi pour la minimiser. Elle remet en question notre capacité à nous exprimer. Mais nous restons dignes ! Nous ne croyons plus aux discours autoritaires et aux tyrans qui les vocifèrent. Nos sociétés engourdies dans des pensées radicales s’occupent du sort du poète. Où est-il ? Qui est-il ? Une silhouette qui passe dans la rue ? Une ombre sur un mur ? Chacun peint ses nymphéas. Le poète n’est-il pas pour autant concerné par ce qui l’entoure ? Nous recherchons des voix, parce que c’est tout ce que nous pouvons espérer de la situation actuelle. Des témoignages libres et incisifs sur les questions de notre temps. La poésie a toujours essayé de changer la vie. Nous avons cet héritage séculaire. Je propose aux poètes et aux acteurs du livre d’accéder à un nouvel espace d’expression sur ce site. Dans ma démarche, je recherche des voix sensibles à la marche du temps et soucieuses de préserver la poésie dans l’espace culturel. Ce lieu vous appartient désormais et je n’y interviendrai pas. Je tiens à honorer ma promesse, ma décision de ne plus écrire. Peu à peu, j’y arrive. Ma voix s’efface. Au profit d’une autre, la vôtre. Cet effacement me laisse face aux témoignages que vous pourrez apporter. Conscient que l’idéalisme nie la réalité, mais que les idées gouvernent le monde, je vous laisse libres de porter votre parole, convaincu que notre humanité peut engendrer le meilleur. Vos idées transmises formeront une agora. C’est tout ce que je peux attendre de plus d’une aventure littéraire commencée avec Mot à Maux. Je n’ai eu de cesse de prendre la parole. Aujourd’hui, je suis au terme de mon parcours. Vous seuls pourrez donner désormais du sens à l’entreprise qui nous est commune : la poésie.

 

© Daniel Brochard