Face aux événements du monde, à leur brutalité et leur violence, j’ai décidé d’arrêter la revue Mot à Maux. Je l’avais ressuscitée en septembre 2018 à son numéro 7, après une interruption de 10 ans…Il semble bien que le numéro 21 de juin 2022 soit le dernier. Le sentiment d'inutilité est plus fort que le courage et l'obstination. Le poète touche à ses limites, pris dans un mouvement plus puissant que lui, découragé et démobilisé par l’inertie de son combat. À quoi bon ? Et pourtant  les revues sont nos plus précieux trésors ! Pour moi la pente devenait trop dure à monter… Commencée au printemps 2005, Mot à Maux aura bien vécu et accueilli des poètes de tous horizons. C’est cette diversité qui a fait grandir la revue. Toutes les générations se sont croisées. Toutes les sensibilités. Si elle est méprisée, la poésie aujourd’hui est bien vivante. Certes, pas à la hauteur de nos désirs… Car dans cette société de consommation et de spectacle, nos actions semblent bien contrariées…  Allons, on ne va pas faire dans les pleurs et la tristesse ! Je me sens empli d’une paix intérieure, satisfait du travail effectué. Ma décision fut brutale, bien que pressentie. J’ai émis des doutes, puis le courage est revenu… avant d’entrevoir le rideau final. Il n’y aura pas de retour. Je laisse cependant quelques certitudes : la poésie sera toujours partagée et riche de nos expériences ; l’attention au monde est devenue nécessaire dans l’époque qui est la nôtre. La poésie vivra de ses acteurs… Espérons qu’elle ne s’éloigne pas de la ligne du réel ! D’autres revues verront le jour. Certaines disparaîtront… C’est la marche lente de la poésie. Les générations se succèdent. Merci à vous qui avez été attentifs à mon travail et qui avez fait de Mot à Maux ce qu’elle est devenue. Si nos routes se séparent, elles continuent de se croiser dans mon esprit. La poésie portera toujours notre résurgence. Elle sera fondamentalement la vie !

 

Daniel Brochard, le 28 mars 2022